Coeurs libres, par Alexandre Dianine-Havard

                     

Le problème du mal, pour Alexandre Dianine-Havard, c’est qu’il « rétrécit l’homme » et conduit à l’appauvrissement spirituel, c’est pourquoi il juge l’éducation du cœur essentielle. La liberté de faire des choix est la liberté de base de l’être humain, alors que la liberté du cœur représente la liberté supérieure, selon l’auteur. Ce dernier fait référence à la division tripartite corps-âme-esprit traditionnelle et universelle et affirme que ces trois pôles sont intimement liés ; le cœur est le centre de la personne et il agit sur les trois sphères (physiologique, psychologique et spirituelle). Selon Alexandre Dianine-Havard, l’homme est doté de trois foyers de liberté, qui sont la raison, la volonté et le cœur. Si ces foyers se mettent à fonctionner isolément, ils se pervertissent et cela se répercute sur la totalité de l’organisme humain.

Selon l’auteur, le cœur de l’homme constitue son « moi » le plus intime, le centre de la relation qu’il entretient avec Dieu ; le cœur occupe d’ailleurs une place centrale dans la bible : « L’homme vaut ce que vaut son cœur ». Le cœur sent, il sait, il veut. Alexandre Dianine-Havard cite des auteurs dont les œuvres ont confirmé la prédominance du cœur chez l’homme : Piotr Tchaadaïev, Vladimir Soloviev, Pavel Florenski, en Orient (Russie), Blaise Pascal, Saint Augustin, Dietrich von Hildebrand, en Occident. Les anciens (les philosophes grecs) ont mis à l’honneur l’intelligence et la volonté, en leur attribuant les qualités spirituelles du cœur, ne conférant plus à ce dernier qu’une place subalterne, de moindre importance.

Aristote nous a livré sa vision minimaliste du cœur à travers ses écrits et au XVIIème siècle, René Descartes, supplantera Blaise Pascal (tous deux étaient mathématiciens, physiciens et philosophes) en faisant passer la raison avant le cœur ; le rationalisme (cartésianisme), que l’auteur va jusqu’à nommer le « fanatisme rationaliste », l’emporte et devient le credo de l’Occident, car « le cœur ne peut démontrer la véracité de ses certitudes ». L’Orient, qui prête davantage attention au cœur, sera souvent accusé de sentimentalisme par l’Occident, plus volontariste. C’est pourtant ensemble, que le cœur, la volonté et l’intelligence doivent fonctionner.

Nos émotions supérieures sont d’ordre spirituel, elles nous élèvent et sont transformatrices, par exemple, c’est la réponse de notre cœur face à un exemple remarquable de vertu, à la beauté de la nature ou à une œuvre d’art qui nous touche. Les personnes humbles sont plus facilement émues par ces valeurs, elles sont plus susceptibles de répondre à l’appel des valeurs du bien, du beau, de la vérité, contrairement aux orgueilleux, qui se laissent peu émouvoir par ces valeurs ; l’auteur précise d’ailleurs que l’orgueil est le plus grand obstacle à la formation du cœur. Il affirme que les profondeurs du subconscient doivent être dissociées de celles du cœur (ces dernières étant liées à la communion entre la créature, la création et le créateur).

L’auteur énumère les différents types de fonctionnement du cœur observés chez un individu et affirme que les cœurs sont parfois déséquilibrés.  

Certaines personnes ont le cœur asphyxié par la raison, ce sont des rationalistes ; il semble que rien ne les affecte vraiment, ils sont dans l’analyse intellectuelle pure.

D’autres ont un cœur asphyxiant, qui a tendance à bloquer la raison et la volonté, ce sont des sentimentalistes.

L’auteur évoque les cœurs desséchés, qui sont insensibles à la beauté, à l’amour, à la vertu, à la grandeur et à la douleur du prochain ; leurs actions sont perverties par des motivations impures. Cette sécheresse du cœur est le résultat de choix égoïstes, qui coupent ces personnes des valeurs transcendantes.

Les cœurs diabolisés, dont la vision cynique et désespérée de la vie les pousse au mépris pour tout ce qui est beau et noble, croient au diable, mais pas en Dieu.

Les cœurs blessés sont ceux qui ont été victimes d’une agression extérieure ; parfois, leur cœur été meurtri par ceux qui auraient dû les aimer (leurs parents, par exemple). Certains se battent pour récupérer leur dignité, d’autres renoncent à lutter et s’abandonnent au désespoir. L’auteur considère que le pardon est la seule guérison possible pour les cœurs blessés.

L’auteur distingue plusieurs types de personnalité :

Le volontariste spiritualiste 

Il fait le bien avec sa volonté, il fait taire son cœur afin d’augmenter la valeur morale de sa volonté, il est disposé à agir à contrecœur. Toutefois, une volonté qui ne s’enracine pas dans le cœur finit par s’émousser ou n’être plus qu’une fuite en avant.

Le volontariste machiste 

Il a une perception exclusivement masculine de la vie. Hippocrate avait distingué quatre types de tempérament : colérique, mélancolique, sanguin, flegmatique. Le volontariste machiste a honte des sentiments qui sont pour eux le domaine du féminin et corrige tout ce qu’il considère comme efféminé ; il fait prévaloir la formation de la volonté et néglige celle du cœur. Il confond sensibilité et sentimentalisme.

Le volontariste idéologue

L’auteur cite des membres de sa famille, qui avaient servi le parti communiste et dont le volontarisme idéologique avait englouti le cœur, l’idéologie s’étant complètement substituée au cœur ; l’obéissance aveugle à l’idéologie du parti, considérée comme une cause juste et bonne pour le pays, justifiait des actes tels que des évictions d’étudiants dont les opinions divergeaient de celles du parti au pouvoir.

Le volontariste conformiste

Il est obsédé par les règles ; il ne s’attache pas à ce qui est bon ou mauvais mais à ce qui est correct ou incorrect. Il ne pratique pas la vertu ou la perfection humaine mais accomplit ce que lui dictent les règlements. Incapable d’aimer, son comportement est conditionné par les règles sociales ; il lui faudrait apprendre à aimer davantage les hommes et moins les règles.

Le sentimental voluptueux

Il apprécie la volupté et la sensualité ; la musique, ses lectures ont pour but de lui procurer des émotions plutôt que de lui transmettre des valeurs. S’il entreprend quelque chose, c’est pour jouir de l’action plutôt que d’en tirer des vertus. Lorsqu’il prie, c’est dans le but de se consoler plutôt que de rencontrer Dieu.

Le sentimental dément

Il se laisse asphyxier par ses sentiments au détriment de la raison et de son intellect. Il est manipulé par son orgueil son égoïsme et se sent facilement offensé et n’écoute pas sa conscience. Selon l’auteur, le sentimental dément a un cœur perverti et hypocrite.

Le sentimental lâche

Il refuse la confrontation, et craint l’affrontement ; il ne corrige pas ses enfants n’est pas dans l’action. Il doit apprendre à pratiquer la vertu de courage.

L’auteur, tout au long de cet ouvrage, cite des exemples qu’il puise dans des livres, des films et des œuvres d’art.  Il met en corrélation les types de personnalités et les « types de cœur » expliqués avec des personnages fictifs issus de romans. Il insiste sur l’importance de faire l’expérience de valeurs telles que la beauté, la grandeur, l’amour, la liberté, la miséricorde.

« La beauté sauvera le monde », affirmait l’écrivain russe Dostoïevski ; la beauté en tant qu’expression de la vérité et du bien.

Alexandre Dianine-Havard exhorte les hommes à la grandeur, qui agrandit et purifie l’âme. Il la nomme « magnanimité », qui est la vertu de l’être dans l’action. Le magnanime est celui qui transforme son rêve en mission. Il cite Thomas More, Alexandre Soljenitsyne, Thérèse de Calcutta et Jeanne d’Arc. L’auteur nous conseille de nous créer un environnement magnanime, avec des livres, des films et musiques destinés à remplir notre être de belles et nobles choses.

L’amour est une valeur essentielle et l’auteur précise que l’amour généreux et inconditionnel permet de transformer notre être en profondeur, c’est le bien suprême. Il évoque Victor Frankl, qui, lors de son emprisonnement dans un camp de concentration pendant la seconde guerre mondiale, se remémorait le visage de sa femme pour se redonner de la force et ne pas sombrer dans le désespoir.

L’auteur évoque aussi la miséricorde, qui est un moyen d’élargir notre cœur ; selon lui, c’est un péché de douter de la miséricorde divine. Il ne faut pas avoir honte de son péché mais le reconnaître, apprendre à demander pardon pour nos fautes et apprendre à pardonner. Il cite Judas, dans la bible, qui s’est pendu après avoir trahi Jésus et dont le plus grand péché est de n’avoir pas cru en la miséricorde divine.

Selon l’auteur, la douleur et la souffrance font grandir certaines personnes, alors que d’autres vont se rétrécir, se dégrader et s’aigrir. La souffrance peut donc être « un instrument privilégié de la formation du cœur ». Alexandre Dianine-Havard affirme que le premier combat d’un enfant se déroule dès les premières années de sa vie dans l’intimité de son cœur, c’est un combat entre le bien et le mal, entre la générosité et l’égoïsme.

Alexandre Dianine-Havard est un avocat d’origine française, russe et géorgienne, né en 1962 ; il a travaillé en tant qu’avocat à Strasbourg et en Finlande, à Helsinki, où il a vécu pendant 18 ans. Il est le créateur du système de leadership vertueux. Des instituts de leadership vertueux (Havard Virtuous Leadership Institute) ont été créés dans différents pays et continents, où sont enseignées les théories de leur fondateur.  Il est l’auteur de plusieurs livres de développement personnel et de style de management.