L’être humain est une unité psychosomatique, par Jean-Benjamin Stora

Pour Jean-Benjamin Stora, l’être humain est une unité psychosomatique et le soigner sans prendre en compte son environnement serait incomplet. Comme l’indique la couverture de son ouvrage, de nombreux paramètres peuvent influer sur la santé d’un être humain : les systèmes psychique, endocrinien, nerveux, immunitaire, le génome et l’épigénétique, mais également la famille, la culture, l’environnement social, physique et professionnel. En tant que psychanalyste, l’auteur s’est inspiré des théories freudiennes mais il considérait la problématique œdipienne insuffisante pour rendre compte du système psychique d’un individu, car certains patients ont subi des traumatismes pendant la grossesse ou pendant la petite enfance (donc avant l’Œdipe).

JB Stora s’est intéressé particulièrement aux phases de développement intra-utérin ainsi qu’aux trois premières années de vie somatique et neuronale de l’enfant. Dès les premiers mois de la vie, l’organisation des émotions et des comportements est d’abord corporelle ; l’auteur fait référence à l’organisation cénesthésique du bébé, qui met en interrelation les sensations corporelles, les réponses viscérales et les manifestations musculaires et motrices. JB Stora cite Antonio Damasio (neurologue) et Gerald Edelman (biologiste), qui ont découvert que ces interrelations étaient encodées au niveau neural grâce au système nerveux central (SNC) et au système neurovégétatif. Nous pensons avec notre corps et toutes nos expériences vécues sont intriquées psychiquement et corporellement.

Selon JB Stora, l’origine des somatisations provient essentiellement de défaillances de constitution de l’appareil psychique ou de son dysfonctionnement. Il a créé une approche thérapeutique qu’il a nommée l’Alpha de la psyché ; sa théorie est fondée sur la relation à la mère, cette dernière jouant un rôle capital dans la constitution de l’appareil psychique de l’enfant dès les premiers mois de la vie. L’unité psychosomatique est le résultat de l’intégration de deux processus du vivant : le processus d’intégration neuronale et le processus de maturation psychosexuel. Selon Stora, les vingt premières années de vie sont capitales et vont contribuer à l’organisation psychosomatique d’un individu.  Lorsque certaines données sensorielles n’ont pas été transformées en pensée symbolique, elles restent au niveau de la mémoire du corps et peuvent être plus tard à l’origine de dépendances et d’addictions et des stimuli ou des situations peuvent déclencher des émotions liées à nos expériences passées ; ces expériences sont à l’origine de « marqueurs somatiques » (selon Damasio) appelés par les psychanalystes « fixations psychiques » et ces marqueurs vont se former tout au long de la vie en fonction de nos expériences vécues. Le réseau neural de marqueurs somatiques le plus important se trouverait dans le cortex préfrontal.

Nous sommes tous soumis au quotidien à des quantités variables d’excitations (soucis familiaux, professionnels, des conflits, deuils, séparation, etc.) qui génèrent une énergie psychique qui s’accumule et fluctue. Ce stress en provenance de l’extérieur créé une exigence de travail pour le système psychique et lorsque l’appareil psychique est débordé, il peut y avoir sidération du système psychique et c’est le SNC (système nerveux central) qui prend la relève. En cas d’événement traumatique, les excitations sont transmises au niveau de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien qui interprète les excitations reçues en termes de lutte ou de fuite. Ce quantum d’excitation est transmis vers des sous-systèmes neuronaux qui vont activer les quatre circuits biologiques de défense de l’organisme :

  • Le système exploratoire : il sert à rechercher des ressources, de la nourriture et correspond à la pulsion d’autoconservation.
  • Le système de réaction de rage et de colère : c’est une réponse de combat face à l’agression.
  • Le système de réaction de peur et d’anxiété : il prépare à la fuite.
  • Le système de séparation-détresse ou système panique : il est associé à l’angoisse, la tristesse, la dépression.

L’organisme dispose de cinq mécanismes de réponse pour rétablir l’homéostasie (l’équilibre) de l’organisme, qui correspondent à cinq stades, avec des exemples de compensations-symptômes possibles à chacun des stades :

-stade 1 : face à des perturbations mineures : chercher l’approbation d’autrui, retrait dans le sommeil, l’activité fantasmatique, intellectualiser, agir, manger, rire, fumer, pleurer, boire de l’alcool, pour l’enfant : rechercher une présence rassurante.

-stade 2 : face à un quantum d’excitations plus élevé : un état d’hypervigilance s’instaure : insomnies, suractivité, ruminations, des réactions somatiques telles que des troubles gastriques, dermatologiques, diarrhée, palpitations.

Stade 3 : phases alternantes de déni et de réalité, le déplacement (consiste à projeter ses propres intentions agressives sur une personne), eczéma, asthme, polyarthrite rhumatoïde, hypertension, syndrome de conversion.

JB Stora affirme que la réversibilité est encore possible aux stades 2 et 3.

-stade 4 : émergence de pulsions agressives mortifères, désorganisation progressive du moi, qui peut entraîner cancers et maladies auto-immunes.

-stade 5 : rupture désorganisatrice du moi qui se détache de la réalité et qui la répudie, peut mener à des états délirants, hallucinatoires, paranoïdes. La pulsion de mort peut entraîner l’épuisement et même la mort car les mécanismes de défense biologique ne peuvent plus faire face.

Pour l’auteur, de nombreuses maladies somatiques peuvent être reliées à des moi carentiels, faibles, désorganisés. Nous sommes des êtres multicellulaires constitués de systèmes et de sous-systèmes échangeant des informations et coordonnés par le SNC et le concept d’énergie psychique occupe une place prépondérante dans son fonctionnement/dysfonctionnement.

Ce livre regorge d’informations essentielles concernant, entre autres, la psychanalyse et les concepts freudiens, les émotions et leur fonctionnement, les neurosciences, l’énergie psychique, les pulsions, le processus psychosomatique.

Au sujet de l’auteur :

Jean-Benjamin Stora est psychanalyste, psychosomaticien et psychologue. Il a fondé l’institut de Psychosomatique Intégrative. Consultant de psychosomatique au GHU La Pitié Salpêtrière à Paris, de 1993 à 2015, il a collaboré avec Pierre Marty, fondateur de l’École psychosomatique de Paris dans les années 1960. Jean-Benjamin Stora est également Docteur en droit et Docteur ès sciences économiques et a fait une carrière d’économiste, avant de se consacrer à la psychanalyse.